Passez devant la caméra à derrière la caméra (tout en restant devant la caméra) : le pari réussi de Frédéric Pierre

22/2/2024

Article présenté par Mondel, l’Atelier du Cinéma

Entrevue réalisée par Bellande Montour

Cumulant 32 ans de métier, Frédéric Pierre est un acteur et comédien bien connu du public québécois. Après une brève incursion à titre de co-scénariste pour l’écriture de 2 sketchs hilarants, Police de repentigny et En audition avec Siméon, présentés au Bye Bye 2020, Frédéric obtient le feu vert de Radio-Canada pour réaliser sa propre série dépeignant le quotidien d’une famille haïtienne. Un rêve qu’il chérit depuis plus de 20 ans !  Son souhait est que tous les rôles principaux soient tenus par des personnes noires (famille haïtienne oblige), mais il se rend rapidement compte que pour bien mettre en valeur son projet, la production doit également être menée par un membre de cette même communauté. Après mûre réflexion, il accepte de relever le défi de produire lui-même Lakay Nou et il s’allie d’une solide équipe pour l’accompagner dans cette belle aventure. Frédéric porte plusieurs chapeaux dans cette série :  producteur exécutif, auteur principal et acteur (premier rôle). Comment il a réussi à mener ce projet à terme ? Découvrez-le dans cet entretien ! 

Frédéric Pierre et Bellande Montour en entrevue

Quel a été le processus pour passer d’acteur à scénariste à producteur dans le cadre de votre première série télévisée ? 

Je suis acteur depuis très longtemps et j’ai toujours travaillé pour faire avancer la cause de la diversité dans mon métier. J’ai souvent été le seul Noir sur un plateau de tournage et j’ai toujours eu cette envie de changer ce triste constat. J’ai siégé sur plusieurs comités où étaient réunis de nombreux joueurs de l’industrie audiovisuelle. Ensemble, on a tenté de trouver des pistes de solutions afin d’assurer une meilleure présence des communautés sous-représentées à l’écran et à l’arrière des projecteurs, mais toujours avec un résultat mitigé.

Bien que les choses aient évolué, j’ai réalisé qu’à titre d’acteur seulement, je n’aurais jamais une influence sur mes histoires comme peut l’avoir un scénariste. De plus, le pouvoir décisionnel ne serait jamais entre mes mains, comme c’est le cas en tant que producteur. Le désir d’être accompagné de mentors dans ces deux champs d’expertise était donc un passage nécessaire dans l’évolution de ma carrière.

J’avais lu des tonnes de scénarios dans ma vie, mais j’en avais jamais écrit un ! Merci à Catherine Souffront, Angelo Cadet et Marie-Hélène Lebeau-Taschereau pour leur apport dans l’écriture et la réécriture de Lakay Nou. Se faire critiquer ce n’est pas facile... C’est la même chose pour le rôle de producteur, je comprenais son importance, mais d’être dans ces souliers-là, c’est un autre niveau que j’ai dû apprendre avec du jumelage et de l’encadrement sur le tas. Je suis très content d’avoir fait ce cheminement parce que la série n’aurait pas eu la même énergie si tous ces éléments n’avaient pas été menés principalement par des personnes de la communauté.

Crédit photo : Kevin Calixte

Pourquoi était-ce primordial pour vous d’avoir un plateau (devant et derrière la caméra) composé majoritairement de personnes noires?

Dès le début du projet, je savais que la série devait avoir une facture unique et pour ce faire, j’avais besoin d’être entouré des meilleurs de la communauté artistique noire. Je voulais créer un environnement optimal pour les acteurs et donner l’opportunité à des professionnels de la diversité de travailler à l’arrière-scène. Au total, on a réussi à avoir au-dessus de 100 personnes noires dans l’équipe en incluant la distribution des acteurs et la figuration. De ce nombre, 15 à 20 personnes ont travaillé sur le plateau derrière la caméra. Une première dans l’industrie télévisuelle québécoise et j’en suis très fier !

Selon moi, les premiers postes importants à combler étaient le trio magique : coiffeur, costumier et maquilleur. On passe entre les mains de ces personnes essentielles avant d’être prêt pour le tournage. C’est notre petit moment de détente à nous et si l’énergie de cette équipe n’est pas idéale, les journées des acteurs commencent moins bien. Petite anecdote, dans toute ma carrière, au niveau des maquilleurs, j’avais seulement trouvé une maquilleuse noire, Joe Pat, qui était capable de me maquiller sans que je sois gris ou orange (rires). Je ne l’avais pas revue depuis 17 ans, mais je la voulais absolument comme cheffe maquilleuse et elle a accepté le poste! Tous les acteurs pouvaient alors être eux-mêmes avant que la caméra s’allume. Ils n’avaient pas à expliquer les particularités de leur peau, de leurs cheveux ou de leur corps. Une ambiance de fraternité et de lâcher prise était scellée dès le début de l’aventure.

En plus, le fait d’avoir Angelo Cadet à titre d’assistant directeur artistique aux côtés de Christian Légaré, il a pu amener un regard précis sur les angles que je souhaitais donner à la série l’empêchant de devenir folklorique ou caricaturale.

Encouragez-vous les jeunes et moins jeunes de notre communauté à s’investir dans des métiers techniques derrière la caméra ?

Oui, à 100 %, surtout si la personne sent vraiment que c’est une vocation qu’elle se voit entreprendre. Dans nos communautés, le fait de vouloir devenir artiste ou travailler dans le domaine est souvent perçu comme une jobine… ce n’est pas assez sérieux, mais au contraire ! Nous avons des lois, des syndicats et des avantages qui nous protègent pour vivre de notre passion. J'ai dû moi-même tenir tête à mon père pour devenir acteur parce que ce n’était pas un choix de métier qu’il trouvait intéressant. Je suis content d’avoir persévéré, mais il est évident qu’on souffre d’un retard au niveau de l’expérience dans cette industrie, puisqu’on est souvent sous-représenté et sous-qualifié par rapport à la majorité caucasienne qui y est depuis plusieurs années. 

Alors, oui, ces métiers sont valables et très pertinents si on veut changer l’avenir pour les générations futures. J’encourage aussi les parents à être plus ouverts face à ces professions et de permettre à leurs enfants d’explorer d’autres métiers que docteur, infirmière et avocat !(rires).

Avec Productions Jumelage, notre objectif est d’aider la professionnalisation des personnes de la diversité avec des jumelages efficaces qui accélèrent la courbe d’apprentissage de nos talents. Il n’y a rien de mieux d'apprendre aux côtés de mentors et de professionnels qui souhaitent te voir réussir !  

Lakay Nou

La série Lakay Nou est disponible  sur ICI TOU.TV EXTRA et sera ensuite sur ICI TÉLÉ.

Pour voir la série : https://ici.tou.tv/lakay-nou

Mondel, l’Atelier du Cinéma 

Les métiers techniques du cinéma et de la télé vous intéressent ? Découvrez les formations offertes par Mondel, l’Atelier du Cinéma : https://mondel.ca/ 

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